mardi 13 janvier 2015

Quelques leçons sur l’actualité du 7-11 janvier

© ERIC FEFERBERG / AFP


Grand moment de solidarité

La marche du 11 janvier restera gravée dans les mémoires avec ses 1,6 million de participants à Paris et autant répartis dans plusieurs villes françaises. La présence de chefs d’état ou ministres d’environ 60 nations a amplifié la solennité de l’évènement. Une mobilisation sans précédent depuis la Libération, vécue dans une grande dignité et sous haute surveillance. L’unité s’est faite pour dire non au terrorisme, oui à la liberté de presse, oui à la solidarité. À l’exemple de Jésus qui a mis en valeur la compassion du bon samaritain (ni juif ni disciple du Christ), nous pouvons nous réjouir de toutes les formes de bien et d’humanité chez nos contemporains, et même nous y associer. Aimer son prochain comme soi-même, c’est aussi se sentir tout proche des douze victimes de Charlie Hebdo, tout proche des trois policiers courageux, tout proche des quatre juifs honteusement assassinés simplement parce qu’ils étaient juifs.

Pour combien de temps ?

Sans être un oiseau de mauvais augure, l’histoire nous montre que les bonnes résolutions de paix et de solidarité ne durent pas très longtemps. Le « vivre ensemble » est déjà compliqué dans une même « communauté » où tout le monde pense plus ou moins la même chose, alors on se doute que la grande diversité de cultures, d’opinions, de religions de notre société n’arrange pas les relations. En tant que chrétiens évangéliques, nous devrions donner l’exemple du vivre ensemble. Comme pasteur, j’encourage les chrétiens à ne pas « mettre leur lampe sous le boisseau », tout en étant respectueux envers notre prochain, quel qu’il soit.  J’apprécie l’un des documents essentiels de la foi évangélique (en dehors de la Bible) dans L’engagement du Cap du comité de Lausanne. Il invite à considérer notre prochain, croyant ou non comme « des êtres humains créés à l’image de Dieu, que Dieu aime et pour les péchés de qui le Christ est mort. Nous faisons notre possible non seulement pour les considérer comme nos prochains, mais aussi… pour être leurs prochains… Nous sommes appelés à faire part de la bonne nouvelle, mais pas à nous engager dans un prosélytisme mal venu… Nous souhaitons faire preuve de sensibilité vis-à-vis des croyances différentes de la nôtre et nous rejetons toute démarche conduisant à des conversions forcées ».

Le terrorisme

Une grande partie du monde a été sensibilisée au terrorisme au cœur des sociétés occidentales par ces derniers évènements vécus à Paris. Chaque jour des atrocités sont accomplies hors de nos frontières. Presque en simultané de nos 17 morts, le Nigéria a connu un massacre sans précédent d’environ 2000 personnes selon Amnesty International. Même si ce pays est loin de la France, nous prions pour cette nation horriblement éprouvée et nous nous associons à ce deuil. Sans entrer dans des amalgames, il est surprenant que la grande majorité des attentats de ces dernières décennies soient perpétrés par des Islamistes radicaux. L’histoire de la pensée a mis en avant, pendant ce dernier siècle, la puissance destructrice du marxisme et du nazisme. Ces deux idéologies dérivées du philosophe Hegel ont su reprendre son « brouillage éthique » et son « apologie de la guerre ». Le terrorisme lié à ces deux courants de pensée a, heureusement, presque disparu. Aujourd’hui, le Coran est utilisé par les Islamistes radicaux comme justification du djihad contre les « associateurs » qui pervertissent la « vraie foi » ou les « mécréants », notamment les sourates 8 et 9. Heureusement un nombre important de musulmans refusent une lecture littérale de certaines sourates. Il est intéressant de prendre le temps de lire ces textes de référence des terroristes. Pour approfondir ce sujet, je recommande l’étude de Karim Areski, pasteur du Réseau FEF et spécialiste de l’Islam ou celle de Christine Shirrmacher.

Liberté de conscience et liberté de presse

La tuerie de Charlie Hebdo pose à nouveau la question de la liberté de presse et la liberté d’opinion. Nous ne pouvons qu’approuver ce principe vital des démocraties, acquis si difficilement et, en même temps, si fragile. Sur la base de ce même principe, nous pouvons aussi revendiquer un droit de liberté à vivre notre foi et un droit à l’annoncer publiquement.
Néanmoins, le bon sens veut que notre liberté respecte celle des autres. On apprécie de vivre dans une société qui a levé l’interdiction du blasphème (bientôt peut-être aussi en Alsace Moselle). La violence des persécutions provoquée par ce genre de loi choque, à juste titre, nos contemporains, comme à l’époque de l’Inquisition ou de certains tribunaux islamiques actuels. Malgré tout, il est important qu’un pays puisse mettre des limites à la provocation. Le célèbre Tignous, assassiné le 7 janvier dernier, se vantait de la grande liberté accordée par la France. Il expliquait dans une interview d’Envoyé Spécial du 8 janvier que ses collègues dessinateurs d’Afrique, du Japon, des Amériques enviaient notre liberté d’expression. Chez eux, s’ils se permettaient des dessins comme ceux de Charlie hebdo, non seulement ils passeraient au tribunal, mais ils ne pourraient plus retrouver de travail par la suite. Les procès se sont succédé contre Charlie Hebdo comme le rappelle Le Monde entre 1992 et 2013, mais la conception très libérale de la liberté de presse à la française a toujours eu le dernier mot. Notre pays devrait montrer plus de fermeté dans certains cas de propos diffamatoires ou d’humour dangereux (on apprécie, en revanche, la réaction ferme du ministre de l’Intérieur ou du Premier ministre face aux propos de Dieudonné sur son mur Facebook se sentant « Charlie Coulibaly »).

Paix sel et lumière


Vivre ensemble est toujours complexe. Le chrétien est appelé à être un artisan de paix dans ce monde, parce qu’il a découvert que la paix intérieure vient de la pleine réconciliation avec Dieu au prix du sang de Christ, et que cette paix doit régner en lui. Il peut ainsi être « sel de la terre » pour freiner une certaine corruption et apporter une saveur du ciel par la paix, l’esprit de réconciliation, et le respect de ceux qui sont créés en image de Dieu. Le chrétien est aussi « lumière du monde » pour montrer celui qui seul est la véritable lumière, pouvant nous arracher à nos ténèbres.

jeudi 8 janvier 2015

Honte aux intégristes violents


Les mots manquent pour exprimer notre indignation face à ce barbarisme de quelques djihadistes dans les locaux de Charlie Hebdo ce mercredi noir.
Il est vrai que d’un côté, l’humour caustique de ce journal bien français a suscité plus d’une réaction. Peu de politiques en vue, peu de religions ou de religieux ont échappé aux croquis mordants de ces génies du dessin. J’ai même eu, j’oserai dire, l’honneur d’avoir figuré dans ce palmarès le 13 mai 2009  sous le crayon du regretté Philippe Honoré et sous la plume d’Antonio Fischetti, chroniqueur scientifique et ami d’enfance (l’un des rares à avoir échappé au massacre).
Leur numéro « Charia Hebdo » de novembre 2011 n’a pas été spécialement apprécié des musulmans. Dessiner le prophète sodomisé a été l’un des blasphèmes impardonnables pour bon nombre d’islamistes radicaux.
Malgré cela, la violence guerrière et fanatique des deux djihadistes est injustifiable surtout dans un pays de « droit » comme le nôtre. Nous nous associons de tout cœur à la peine des familles, des collègues et amis bouleversés par ce drame.

Et la Bible ?

C’est avec prudence que, dans ce contexte, nous mentionnons ce livre. Pourtant nous pensons qu’elle condamne fermement ces attitudes de violences barbares.
Comprise à la lumière du Nouveau Testament, la Bible est une puissante invitation à aimer son prochain. Jésus n’a absolument rien d’un chef de guerre. Il a dit : « Tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée » (Mt 26.52). Comme aucun homme au monde, il appelle « à bénir ceux qui nous persécutent, à aimer nos ennemis » (Mt 5.44). C’est probablement pour cette raison que les chrétiens dans le monde sont souvent les premières victimes des persécutions comme en Syrie, en Irak, au Nigeria... Le dernier rapport de l’ONG Portes Ouvertes sur les indices de persécutions dans le monde le confirme.
La Bible nous invite à la compassion dans l’épreuve. Jésus nous en donne l’exemple lorsqu’il rencontre Marthe et Marie endeuillées. Il pleura avec elles (Jn 11.35).
Elle nous invite aussi à l’indignation face au mal, face à la barbarie. Jésus décrit le roi Hérode comme un renard et les chefs religieux hypocrites comme des « sépulcres blanchis » (Lc 13.32 ; Mt 23).
Enfin elle nous invite à l’espérance dans ce monde meurtri par les guerres et la violence. Le prophète Esaïe annonce l’heure où les hommes « briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes ; on ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre » (Es 2.4). Cette grande victoire coûtera la vie du serviteur du Seigneur : « Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris » (53.5). Ces temps messianiques s’accomplissent en deux phases. D’abord par la venue du prince de paix qui acceptent, par son châtiment et sa mort sacrificielle, de payer la malédiction qu’encourent nos propres fautes : il nous accorde ainsi la véritable paix intérieure d’une réconciliation avec Dieu. Puis, lors de son retour glorieux, les prophéties prennent leur pleine mesure : « Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu » (Ap 21.4).
Non aux intégrismes violents, oui au respect du prochain, oui à la véritable paix en Jésus-Christ !

Reynald Kozycki

lundi 5 janvier 2015

« Exodus : Gods and Kings » : quelques impressions



Nous assistons à un « retour en force de la Bible à Hollywood » selon un article d’Allociné. En février 2014, c’était le film Son of God, en avril, Noé, et fin décembre Exodus au budget « pharaonique » de 140 millions de dollars. Le réalisateur Ridley Scott connu notamment par Gladiateur ou Kingdom of Heaven s’est lancé sur le « terrain miné » des reconstructions bibliques selon son expression dans une interview à Première.
Disons d’emblée que, comme pour Noé, il ne faut pas chercher dans ces films l’exactitude biblique. On est loin des leçons de catéchisme.

Quelques points douteux
Les déformations par rapport au livre inspiré de l’Exode sont nombreuses dans le scénario rédigé par Bill Collage, Adam Cooper et Steven Zaillian. La revue Biblical Archeology en fait une assez longue liste. Signalons par exemple les dix fléaux envoyés comme un jugement divin, reproduits avec une grande liberté. Ils s’enchainent rapidement sans grande explication. Les alligators n’ont aucun rapport avec le texte biblique. Le film ne montre pas les entretiens systématiques de Moïse et Aaron avec Pharaon avant chaque fléau, ni les requêtes de Pharaon à Moïse pour prier afin que Dieu ôte la plaie…
Il ne faut pas être pointilleux non plus sur l’ordre chronologique des chapitres 1 à 14 de l’Exode. Plus gênant, le messager, ou l’ange du Seigneur, est un petit enfant étrange, humanisant fortement la divinité (c’est la raison invoquée par le gouvernement marocain pour interdire Exodus dans son pays !). Le critique d’ecranlarge.com en déduit que Ridley Scott présente Dieu comme « un gosse enragé, bouffi d'orgueil et enivré de pouvoir ».Moïse  est présenté plutôt comme agnostique jusqu’à ce qu’un trouble psychique l’amène à croire en Dieu par le moyen de l’enfant messager. « L’humanisation » se répercute sur les miracles dans une vision rationaliste : par exemple la traversée de la Mer Rouge (ou Mer des Joncs) par un « assèchement naturel » et la venue d’un tsunami pour recouvrir l’armée égyptienne. Les lecteurs bibliques habitués aux méthodes « historico-critiques » devraient apprécier ces remises en question de la Bible.

Points positifs
Même si l’impact de ce film n’atteindra probablement pas celui des Dix commandementsde Cecil B. DeMille en 1955, les effets spéciaux d’Exodus et la qualité des images sont parfaitement au niveau de la technologie actuelle. Les reconstitutions de la société égyptienne antique et la qualité des plans des paysages ou des villes anciennes sont peut-être plus fidèles à l’histoire que la tentative de reconstruction biblique (bien que le gouvernement égyptien le trouve trop « sioniste » et l’a aussi fait interdire). Certaines scènes comme le « tsunami » de la traversée de la Mer Rouge sont à couper le souffle, selon les propos du blog du cinéma.
Même si « l’humanisation du divin » ressort trop, en harmonie avec l’ère du temps, il reste dans ce film une touche de la grandeur et de la gloire divines dévoilées dans le récit biblique. On perçoit, malgré tout, que Dieu est à l’origine des dix impressionnants fléaux envoyés contre l’Égypte, ou de la délivrance de « son peuple » à travers la Mer Rouge….

Les évènements racontés par le film reprennent l’un des récits fondateurs de la foi juive et de la foi chrétienne. Ce sera probablement l’occasion, pour plusieurs, de (re)découvrir la version originale de cette histoire, en relisant la Bible elle-même, l’un des piliers principaux de la culture occidentale judéo-chrétienne. Ce texte montre de quelle façon le Dieu unique « rachète » un peuple en le délivrant de la puissance des asservissements de l’Égypte afin qu’il le serve et lui rende un culte. Au cœur des fêtes juives, la Pâque réactualise chaque année cette délivrance. Le film montre assez bien le rôle du premier agneau pascal et le sang répandu sur les linteaux des portes. Ainsi, ceux qui ont pris soin d’écouter les instructions données par Moïse échappent à l’ange destructeur. Ce récit fondateur du judaïsme, l’est presque tout autant du christianisme. La délivrance passe désormais par le nouveau Moïse, Jésus, devenant lui-même l’agneau pascal. Il arrache de l’asservissement des puissances ténébreuses de ce monde, des passions et désordres profonds de l’âme.

En conclusion, la liberté prise par Ridley Scott heurtera plus d’un lecteur assidu de la Bible, mais en comparaison avec les films plus courants, ce sera un moment de cinéma qui portera à réfléchir sur la réalité de Dieu et de la délivrance qu’il accorde à ceux qui placent leur confiance en lui et en ses promesses.
RK