
© ERIC FEFERBERG / AFP
Grand moment de
solidarité
La marche du 11 janvier restera gravée dans les mémoires
avec ses 1,6 million de participants à Paris et autant répartis dans plusieurs
villes françaises. La présence de chefs d’état ou ministres d’environ 60
nations a amplifié la solennité de l’évènement. Une mobilisation sans précédent
depuis la Libération, vécue dans une grande dignité et sous haute surveillance.
L’unité s’est faite pour dire non au terrorisme, oui à la liberté de presse,
oui à la solidarité. À l’exemple de Jésus qui a mis en valeur la compassion du
bon samaritain (ni juif ni disciple du Christ), nous pouvons nous réjouir de
toutes les formes de bien et d’humanité chez nos contemporains, et même nous y
associer. Aimer son prochain comme soi-même, c’est aussi se sentir tout proche
des douze victimes de Charlie Hebdo, tout proche des trois policiers courageux,
tout proche des quatre juifs honteusement assassinés simplement parce qu’ils
étaient juifs.
Pour combien de
temps ?
Sans être un oiseau de mauvais augure, l’histoire nous
montre que les bonnes résolutions de paix et de solidarité ne durent pas très
longtemps. Le « vivre ensemble » est déjà compliqué dans une même
« communauté » où tout le monde pense plus ou moins la même chose,
alors on se doute que la grande diversité de cultures, d’opinions, de religions
de notre société n’arrange pas les relations. En tant que chrétiens
évangéliques, nous devrions donner l’exemple du vivre ensemble. Comme pasteur,
j’encourage les chrétiens à ne pas « mettre leur lampe sous le
boisseau », tout en étant respectueux envers notre prochain, quel qu’il
soit. J’apprécie l’un des documents essentiels de la foi évangélique (en
dehors de la Bible) dans L’engagement
du Cap du comité de Lausanne. Il invite à considérer notre prochain,
croyant ou non comme « des êtres humains créés à l’image de Dieu, que
Dieu aime et pour les péchés de qui le Christ est mort. Nous faisons notre
possible non seulement pour les considérer comme nos prochains, mais aussi…
pour être leurs prochains… Nous sommes appelés à faire part de la bonne
nouvelle, mais pas à nous engager dans un prosélytisme mal venu… Nous
souhaitons faire preuve de sensibilité vis-à-vis des croyances différentes de
la nôtre et nous rejetons toute démarche conduisant à des conversions
forcées ».
Le terrorisme
Une grande partie du monde a été sensibilisée au terrorisme
au cœur des sociétés occidentales par ces derniers évènements vécus à Paris.
Chaque jour des atrocités sont accomplies hors de nos frontières. Presque en
simultané de nos 17 morts, le Nigéria a connu un massacre sans précédent
d’environ 2000 personnes selon Amnesty International. Même si ce pays est loin
de la France, nous prions pour cette nation horriblement éprouvée et nous nous
associons à ce deuil. Sans entrer dans des amalgames, il est surprenant que la
grande majorité des attentats de ces dernières décennies soient perpétrés par
des Islamistes radicaux. L’histoire de la pensée a mis en avant, pendant
ce dernier siècle, la puissance destructrice du marxisme et du nazisme. Ces
deux idéologies dérivées du philosophe Hegel ont su reprendre son
« brouillage éthique » et son « apologie de la guerre ». Le
terrorisme lié à ces deux courants de pensée a, heureusement, presque disparu.
Aujourd’hui, le Coran est utilisé par les Islamistes radicaux comme
justification du djihad contre les « associateurs » qui
pervertissent la « vraie foi » ou les « mécréants »,
notamment les sourates 8 et 9. Heureusement un nombre important de musulmans
refusent une lecture littérale de certaines sourates. Il est intéressant de
prendre le temps de lire ces textes de référence des terroristes. Pour
approfondir ce sujet, je recommande l’étude
de Karim Areski, pasteur du Réseau FEF et spécialiste de l’Islam ou celle
de Christine Shirrmacher.
Liberté de
conscience et liberté de presse
La tuerie de Charlie Hebdo pose à nouveau la question de la
liberté de presse et la liberté d’opinion. Nous ne pouvons qu’approuver ce
principe vital des démocraties, acquis si difficilement et, en même temps, si
fragile. Sur la base de ce même principe, nous pouvons aussi revendiquer un
droit de liberté à vivre notre foi et un droit à l’annoncer publiquement.
Néanmoins, le bon sens veut que notre liberté respecte celle
des autres. On apprécie de vivre dans une société qui a levé l’interdiction du
blasphème (bientôt peut-être aussi en Alsace Moselle). La violence des persécutions
provoquée par ce genre de loi choque, à
juste titre, nos contemporains, comme à l’époque de l’Inquisition ou de
certains tribunaux islamiques actuels. Malgré tout, il est important qu’un pays
puisse mettre des limites à la provocation. Le célèbre
Tignous, assassiné le 7 janvier dernier, se vantait de la grande liberté
accordée par la France. Il expliquait dans une interview d’Envoyé
Spécial du 8 janvier que ses collègues dessinateurs d’Afrique, du Japon,
des Amériques enviaient notre liberté d’expression. Chez eux, s’ils se
permettaient des dessins comme ceux de Charlie hebdo, non seulement ils
passeraient au tribunal, mais ils ne pourraient plus retrouver de travail par
la suite. Les procès se sont succédé contre Charlie Hebdo comme le rappelle Le
Monde entre 1992 et 2013, mais la conception très libérale de la liberté de
presse à la française a toujours eu le dernier mot. Notre pays devrait
montrer plus de fermeté dans certains cas de propos diffamatoires ou d’humour
dangereux (on apprécie, en revanche, la réaction ferme du ministre de
l’Intérieur ou du Premier ministre face aux propos de Dieudonné sur son mur
Facebook se sentant « Charlie Coulibaly »).
Paix sel et lumière
Vivre ensemble est toujours complexe. Le chrétien est appelé
à être un artisan de paix dans ce monde, parce qu’il a découvert que la paix
intérieure vient de la pleine réconciliation avec Dieu au prix du sang de
Christ, et que cette paix doit régner en lui. Il peut ainsi être « sel de
la terre » pour freiner une certaine corruption et apporter une saveur du
ciel par la paix, l’esprit de réconciliation, et le respect de ceux qui sont
créés en image de Dieu. Le chrétien est aussi « lumière du monde »
pour montrer celui qui seul est la véritable lumière, pouvant nous arracher à
nos ténèbres.
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