
J'ai le privilège d'avoir, pour une fois, un peu plus de
temps pour la lecture et l'écoute d'enseignements pendant cette période de
traitement de ma maladie. Je "médite" en particulier sur les grandes étapes de
notre histoire occidentale. Nombre d'historiens voient dans le sac de
Rome (la destruction presque totale) en 410 par les Wisigoths, le démarrage d'une
nouvelle période de l'histoire. C'est la fin de l'Antiquité, et l'entrée dans
le Moyen Age. C'est lors de cette période troublée que La cité de Dieu de Saint-Augustin a été publiée. Ce livre marquera profondément
la pensée occidentale. Charlemagne se le
faisait lire régulièrement pendant ses dîners ; Thomas d'Aquin, Luther, Calvin,
Blaise Pascal... s'en inspireront beaucoup. Je suis impressionné par la
pertinence de ce grand commentateur de la Bible.
Un simple extrait pour donner la teneur du niveau de
"spiritualité" de ce livre, plaçant la barre beaucoup plus haut que
celle de notre christianisme post-moderne :
"Dites-moi s’il peut arriver aucun mal aux hommes de
foi et de piété qui ne se tourne en bien pour eux. Serait-elle vaine, par
hasard, cette parole de l’Apôtre : « Nous savons que tout concourt au bien de
ceux qui aiment Dieu ? » (Ro 8.28).
— Mais, répliqueront certains, ils ont perdu tout ce
qu’ils avaient.
— Ont-ils perdu la foi, la piété ? Ont-ils perdu les
biens de l’homme intérieur, riche devant Dieu?
Voilà l’opulence des chrétiens, comme parle le
très-opulent apôtre : « C’est une grande richesse que la piété et la modération
d’un esprit qui se contente de ce qui suffit. Car nous n’avons rien apporté en
ce monde, et il est sans aucun doute que nous ne pouvons aussi en rien
emporter. Ayant donc de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons
être contents. Mais ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation
et dans le piège du diable, et en divers désirs inutiles et pernicieux qui
précipitent les hommes dans l’abîme de la perdition et de la damnation. Car
l’amour des richesses est la racine de tous les maux, et quelques-uns, pour en
avoir été possédés, se sont détournés de la foi et embarrassés en une infinité
d’afflictions et de peines » (1Ti6).
Ceux donc qui, dans le sac de Rome, ont perdu les
richesses de la terre, s’ils les possédaient de la façon que recommande
l’Apôtre, à savoir, pauvres au dehors, riches au dedans, c’est-à-dire s’ils en
usaient comme n’en usant pas, ils ont pu dire avec un homme fortement éprouvé,
mais nullement vaincu : « Je suis sorti nu du ventre de ma mère, et je
retournerai nu dans la terre. Le Seigneur m’avait tout donné, le Seigneur m’a
tout ôté. Il n’est arrivé que ce qui lui a plu; que le nom du Seigneur soit
béni ! ». Job pensait donc que la volonté du Seigneur était sa richesse, la
richesse de son âme, et il ne s’affligeait point de perdre pendant la vie ce
qu’il faut nécessairement perdre à la mort. Quant aux âmes plus faibles, qui,
sans préférer ces biens terrestres au Christ, avaient pour eux quelque
attachement profane, elles ont senti, dans la douleur de les perdre, le péché
de les avoir aimés".
Saint-Augustin, La cité de Dieu, Livre 1, chap. 10
Saint-Augustin, La cité de Dieu, Livre 1, chap. 10
Quelques remarques à cette citation :
1) Augustin fait partie de ces quelques auteurs "prophétiques" influents comme Calvin, Blaise Pascal, Alexandre Vinet, C.S. Lewis... qu'il est impossible de comprendre sans connaître en profondeur le texte biblique. Beaucoup de leurs écrits ne sont que des reformulations de la Bible.
2) Comme tous ces auteurs abreuvés à cette même source, et ayant cherché à vivre cette sagesse biblique, ils savent montrer du doigt, au-delà d'eux-mêmes, en direction de Dieu. Ils reprennent chacun à leur façon la parole du prophète Jérémie : "Ainsi parle le Seigneur : Maudit soit l’homme qui met sa confiance dans un être humain, qui prend la chair pour appui, et dont le cœur se détourne du Seigneur... Béni soit l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur, celui dont le Seigneur est l’assurance !" Jér 17.5-7
3) Le discours d'Augustin pourrait parfois prêter à confusion par un détachement trop grand des grâces que Dieu peut accorder sur cette terre, mais d'autres passages équilibrent cette vérité, en donnant, malgré tout, une priorité aux choses d'En-Haut.
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