vendredi 10 avril 2015

Venue de Joyce Meyer en France


C’est bien la dernière des préoccupations pour le plus grand nombre des Français. Pour les habitués de quelques médias évangéliques comme TopChretien, Enseignemoi.com ou PhareFM, le 8 mai sera Le grand évènement de l’année. La plupart des responsables évangéliques des différentes unions d’Églises en France se sont déjà prononcés en validant le livre « L’évangile de la prospérité ». Il a été produit par la commission théologique du CNEF relu par l’ensemble des délégués des unions d’Églises (environ 70% des Évangéliques) et validé à l’unanimité en mai 2012. Il donne dès la première page une liste de personnes célèbres dans le courant douteux de « l’Évangile de la prospérité » dont Joyce Meyer. Rappelons, en passant, que d’autres écrits, comme le fameux Engagement du Cap (l’un des grands documents évangéliques international) est encore plus sévère sur les dégâts de cet « évangile de prospérité » (sans mentionner Meyer).

Les réseaux sociaux sont parfois un champ de bataille entre les pro-Meyer et les anti-Meyer. En tant que disciple du Christ, nous sommes appelés à être le plus honnête possible à la lumière de la révélation biblique, et à refuser les caricatures déformantes et calomniatrices. 

Exagérations à l’encontre de Joyce Meyer

Plusieurs dénoncent des erreurs graves perçues comme des hérésies chez elle. Après les avoir regardés de plus près, je préfèrerais parler de « mauvaises formulations » plutôt que d’hérésies. On pourrait prendre quasiment n’importe quel prédicateur, éplucher en détail ses messages, et trouver des approximations douteuses que certains appelleraient des hérésies… Voici quelques exemples chez Joyce Meyer repris en boucle sur ces réseaux :
  1.  Elle affirme quelquefois : « Je ne suis pas pécheur ». Par contre, elle ne prône pas le perfectionnisme, à ma connaissance. On pourrait la rejoindre dans le sens où, par exemple, Paul n’adresse pas sa lettre « aux pêcheurs qui sont à Éphèse », mais aux « saints ». Nous avons été sanctifiés une fois pour toutes par l’offrande du corps de Jésus (Hé 10.10), mais ce n’est pas pour cela que nous sommes sans péché. Et je reconnais que la formulation peut prêter à confusion.
  2. Certains lui reprochent de glisser vers le légalisme en insistant sur les conditions à la bénédiction. Si la justification ne s’obtient en aucun cas par les œuvres de la loi, l’obéissance de cœur est demandée pour ne pas dire, exigée, dans tout le NT (par exemple Rm 6.16-19 ; Mt 7.21). L’obéissance est d’ailleurs liée à la foi très souvent comme en Rm 1.5 ; Hé 11.8…
  3. Elle affirme que Christ est allé en enfer pendant trois jours après la Croix afin de payer pour nos péchés. Le symbole des apôtres le dit aussi, en partie. Dans le NT, on peut lire des versets qui s’approchent un peu de cela. En 2 Co 5.21, Jésus est devenu péché pour nous, il a été fait malédiction selon Ga 3.13, il est descendu dans les « parties inférieures de la terre » selon Eph 4.9… La proclamation du Christ aux esprits en prison (1 Pi 3 :19), ne parle pas de tourments endurés en enfer. Je pense que c’est une erreur que de se lancer dans des spéculations sur une « descente en enfer ». La Bible parle surtout de la victoire de la Croix.

Ce qui me gêne le plus

  1. Selon elle, Jésus serait mort spirituellement et pas seulement physiquement et qu’il aurait cessé d’être Fils de Dieu à ce moment-là, puis il serait né de nouveau. Ces déclarations sont assez courantes dans le mouvement d’évangile de prospérité « Word of Faith ». La formulation est très malheureuse, même s’il faut reconnaître que la relation Père-Fils-Esprit est complexe à comprendre et à expliquer, notamment au moment de la mort physique de Jésus. Si la Bible dit que Jésus est le « premier-né d’entre les morts » (Col 1.18), elle ne parle pas de « nouvelle-naissance » pour lui. Au niveau théologique, on sent une lacune grave sur la portée de la mort de Christ, lui le juste, mort pour des injustes. Dans ces courants « prospérité », il faut que Jésus meurt non seulement comme notre représentant légal face à la justice de Dieu, mais il doit mourir aussi pour ôter nos maladies, notre misère, notre pauvreté (par une lecture superficielle d’Esaïe 53). 
  2. Son côté triomphaliste et ses « recettes miracles » par des paroles de « proclamation ». Dans l’une de ses listes favorites, elle glisse vers une compréhension erronée de l’Évangile. Par exemple, la 3e affirme : « Je prospère partout où je mettrai ma main. J’ai la prospérité dans tous les domaines de ma vie, spirituellement, financièrement, mentalement et socialement ». Sur ce point, elle s’associe, une fois de plus, au courant « Word of Faith » dans lesquels Benny Hinn ou Joel Osteen sont les plus extrémistes. Dieu n’a jamais promis sur cette terre une pleine prospérité financière (la vie terrestre de Jésus nous le rappelle), ni de santé (Job, ou Trophime nous le rappellent aussi)…
  3. Même si elle est probablement généreuse, son train de vie de grande star me gêne beaucoup (voir par exemple la description de Wikipedia). Je ne verrais pas Paul aujourd’hui avec son jet privé ni les grands hôtels dans ses déplacements, ni vivre dans un palace, même si depuis 2008, elle a enfin accepté de faire contrôler ses revenus par un organisme reconnu d’accréditation évangélique (EECF).
Alors faut-il aller à cet « évènement » ? Même si je ne serais pas présent pour les raisons évoquées ci-dessus, je pense qu’avec un peu de discernement, il peut être intéressant d’écouter l’approche, malgré tout, stimulante de Joyce Meyer à ne pas se contenter d’une vie chrétienne médiocre, dominée par le découragement, l’incrédulité ou les forces du mal.

6 commentaires:

  1. Merci Reynald ! J'apprécie beaucoup l'équilibre.

    RépondreSupprimer
  2. Merci reynald pour cette analyse que je partage complètement et pour le respect et l'amour dont tu fais preuve dans sa rédaction.

    RépondreSupprimer
  3. Merci Reynald. Texte équilibré qui rend justice à la vérité, mais sans oublier l'amour.

    RépondreSupprimer
  4. Je pense qu'une femme n'a pas à enseigner tout simplement!
    Donc, faire des sujets sur une femme n'étant pas dans les plans de DIEU n'est qu'une façon de lui faire de la publicité!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Jean-Denys,
      Les exemples de vie cultuelle du NT nous montrent des femmes actives à Corinthe pour "prophétiser" dans l'Eglise, que Paul définit lui-même comme des prises de parole publique permettant d'édifier, exhorter, consoler, instruire (1 Co 11.5 ; 14.3, 19). Le silence demandé en 1 Co 14.34 ne contredit pas ces autres textes, mais évoque probablement le refus du bavardage. 1 Ti 2.12 traite d'une forme d'enseignement beaucoup plus normatif pour l'Eglise, forme que Dieu donne prioritairement aux hommes appelés à un ministère d'enseignement.

      Supprimer